À l'heure du bilan de l'année 2022 pour la filière viande bovine, l'accélération de la décapitalisation dépasse les prospectives et devrait se poursuivre en 2023.

Décapitalisation du cheptel allaitantLe cheptel allaitant est au plus bas depuis 2005. (© Pixabay)

La décapitalisation s’est accélérée en 2022, sur le cheptel laitier comme en allaitant. « Sur un an, nous avons perdu 110 000 vaches allaitantes, et 80 000 vaches laitières. Sur les six dernières années, on aura perdu près de 500 000 vaches allaitantes », alerte Caroline Monniot, économiste, à l'occasion du Grand Angle Viande organisé par l'Institut de l'élevage le 11 janvier. Avec un repli du cheptel allaitant de l'ordre de 3 %, le rythme de décapitalisation dépasse les prospectives effectuées par l'Idele qui tablaient sur une diminution du nombre de têtes avoisinant les 2 %.

Evolution du nombre de vaches allaitantes (mis à jour janvier 2023)Le cheptel de vaches allaitantes en fin d'année 2022 se situe en-dessous des prospectives réalisées par l'Institut de l'élevage. (© Idele)

« Pour 2023, on ne peut que tabler sur une nouvelle baisse de production, estime Caroline Monniot. La consommation n'a pas chuté en 2022, et est même en progression de 0,2 % malgré le contexte peu favorable. Le maintien de la consommation passera donc par la hausse des importations »

En plus de la baisse d'effectif, une diminution des poids de carcasse est observée. « Le rapprochement des prix entre les différentes conformations d'animaux n'incite pas les éleveurs à finir davantage les bovins ce qui se traduit par des poids plus légers à l'abattoir », précise l'économiste, qui enregistre une baisse des volumes abattus de gros bovins de 4,1 % par rapport à 2021, (soit 51 000 téc). Les vaches et génisses laitières sont les plus concernées par ce recul, avec une diminution des volumes abattus de l'ordre de 18 000 téc. La diminution de la proportion d'animaux de races lourdes pèse également sur les volumes produits, avec un repli des effectifs en Blonde d'Aquitaine, Charolaise ou Rouge des prés.

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« Après une baisse de près de - 5 % en 2022, la production nette de bovins finis reculerait encore en 2023 à 1,337 million de tonnes équivalent carcasse (- 1,6 %/2022). Les tonnages de femelles baisseraient de - 13 000 téc, ceux de mâles non castrés de - 3 000 téc, ceux de bœufs de - 1 000 téc et ceux de veaux de boucherie de - 4 000 téc. Les exportations de broutards reculeraient encore (- 3 %) après une chute très marquée en 2022 », précise l'Institut de l'élevage dans un communiqué de presse. 

Les prix convergent, quelle que soit la conformation

Le rapprochement des prix, toutes conformations confondues, fait que la finition des animaux est moins rentable que par le passé. « En moyenne annuelle, le prix de la vache U a progressé moins vite que la vache R, qui a également moins progressé que celui des vaches O et P », résume Caroline Monniot. En effet, la cotation des vaches conformées U a progressé de 16 % en 2022 par rapport au prix de 2021, contre 40 % pour les vaches conformées O, et 46 % pour les vaches P. Le même phénomène est observé sur les cotations des jeunes bovins, avec une progression du cours de 26 % pour les JB conformés U, contre 37 % pour les JB conformés O, réduisant ainsi l'écart de prix entre les deux catégories. « Cela s'explique par le fait que le marché est en situation de pénurie, ce qui tire tous les prix à la hausse, mais également par la croissance de la demande en haché ». 

Si les prix n'incitent pas à la finition des carcasse, Eva Grohens, économiste à l'Institut de l'élevage, craint même qu'ils n'alimentent la décapitalisation : « les cours élevés peuvent même être un moteur de décapitalisation. Avec une faible visibilité à moyen terme et des prix attractifs, certains peuvent être tentés de vendre, d'où la nécessité de donner de la visibilité aux éleveurs ».

La balance commerciale se détériore

Avec une hausse des importations de l'ordre de 24 % par rapport à 2021 (sur les dix premiers mois de l'année), la balance commerciale française en viande bovine se détériore. Cette hausse est cependant multifactorielle. Elle résulte à la fois de la baisse des abattages dans l'Hexagone, mais est également une conséquence du Brexit : « des opérateurs néerlandais achètent de la viande britannique, et font dédouaner cette dernière en France avant de la travailler aux Pays-Bas », précise l'économiste de l'Institut de l'élevage. Les importations en provenance du Royaume-Uni ont ainsi progressé de plus de 20 000 téc, soit un volume équivalent à la hausse de nos exportations vers les Pays-Bas.

La Hollande semble toutefois représenter un nouveau marché pour la France. « L'entreprise Moy Park a notamment décroché un "contrat MacDo" pour les fast-food néerlandais, pour un équivalent de 12 000 téc », ajoute Caroline Monniot en soulignant le recul des exportations chez nos partenaires traditionnels.