Si la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) s’est mobilisée avec succès pour obtenir, en 2022, des prix compensant en partie la flambée des charges, la volonté du gouvernement de maintenir des prix bas dans un contexte d’inflation fait craindre aux producteurs un retour de la LME. Pour le syndicat, la rémunération des producteurs ne doit pourtant pas être remise en cause, dans un contexte de nécessaire renouvellement des générations.
De gauche à droite : Thierry Roquefeuil, Samuel Bulot, Daniel Perrin et Yohann Barbe, lors de la conférence de presse du 17 janvier 2023. (©Terre-net Média)
Après une année atypique – mais y a-t-il déjà eu une année normale dans la filière laitière, questionne Thierry Roquefeuil, président de la FNPL – 2023 s’annonce également riche en défis, notamment sur le prix du lait. Malgré des difficultés à faire évoluer les prix, alors que les charges se sont envolées avec la guerre en Ukraine, la mobilisation à partir de juin, auprès des distributeurs et transformateurs, a permis d’atteindre l’objectif de la brique de lait standard entre 0,95 et 1,05 €, a expliqué le président de la FNPL, à l’occasion d’une conférence de presse le 17 janvier. Malgré quelques exceptions, « on considère que 90-95 % des enseignes et des magasins sont dans la fourchette », souligne Thierry Roquefeuil.
Cependant, si les niveaux de prix atteints au 4e trimestre ont permis une rémunération correcte de la matière première agricole, « il ne faudra rien lâcher », prévient Thierry Roquefeuil, au regard des dernières annonces de Bercy. « Il est surréaliste pour nous d’entendre le ministre des finances dire qu’il faut mettre en place 20 produits au prix le plus bas pour éviter l’inflation au consommateur. Ce n’est entendable que si la même chose est mise en place pour nous au niveau de nos consommations », explique-t-il.
La FNPL craint notamment une forme de retour de la LME (loi de modernisation de l’économie), mise en place en 2008 et qui a favorisé la concurrence entre les enseignes. « Depuis la LME, on était constamment en train de tirer sur l’amont pour avoir un prix moins cher au consommateur », rappelle Thierry Roquefeuil, pour qui il n’est pas question de laisser revenir cette loi. « C’est la loi qui fait mourir l’élevage », insiste-t-il, en dressant un tableau de la réalité économique actuelle pour les producteurs : charges qui ont flambé, prix en moyenne 100 euros plus bas que dans les pays voisins…
« Et on sait très bien que, du fait qu’il n’y ait pas eu la rémunération de la matière première industrielle en 2022, on a rogné sur une partie de la matière première agricole », ajoute-t-il. Si le ministre de l’agriculture soutient la position des éleveurs, notamment en regard de l’objectif du renouvellement des générations, la FNPL attend également de la première ministre qu’elle se positionne en leur faveur face à Bercy.
La FNPL soutient par ailleurs la proposition de loi du député LREM Frédéric Descrozaille, qui entend rééquilibrer le rapport de force entre les distributeurs et les industriels. Cependant, la FNPL souhaite avant tout l’application pleine et entière de la loi Égalim 2, dont tous les décrets ne sont pas encore parus, alors que la distribution exerce une forte pression pour que les textes ne soient pas appliqués, profitant du contexte d’inflation.
« On n’est pas au bout d’Égalim 2, explique Yohann Barbe, trésorier de la FNPL. Aujourd’hui, ça reste les entreprises qui envoient leurs CGV, quand moi président d’OP j’envoie les coûts de production, il y a toujours négociation derrière ». Et aujourd’hui, la vraie inquiétude reste de savoir si l’augmentation des prix a réellement permis une augmentation du revenu des producteurs laitiers, ou si tout est parti dans l’augmentation des charges, car la capacité à renouveler les éleveurs en dépend, ajoute-t-il.
Enfin, la FNPL s’inquiète également de la directive IED sur les émissions industrielles, discutée au niveau européen, et qui pourrait abaisser le seuil d’UGB à 150 voire 100, faisant entrer dans le champ de la directive beaucoup plus d’élevages, donc une grande partie de petits et moyens troupeaux. La FNPL craint notamment la position du ministère de la transition écologique qui, via la représentation permanente à Bruxelles, se prononce favorable à cette version de la directive. Or, « c’est un signal donné pour l’arrêt de la production laitière », déplore Thierry Roquefeuil. Sans compter que pour rentabiliser l’investissement par rapport à la directive, les plus gros élevages seront favorisés.
Par ailleurs, la crise du bio, qui touche toutes les filières, impacte fortement la production laitière, face à « une déconsommation qu’aucun institut de sondage n’aurait pu prévoir », explique de son côté Samuel Bulot, membre du bureau de la FNPL. « Envoyer des gens dans la bio par idéologie n’est pas le système pour améliorer l’environnement », déplore-t-il, et même si les producteurs bio se convertissent d’abord « parce qu’ils croient au cahier des charges », « on ne peut pas faire s’il n’y a pas le marché en face », rappelle l’éleveur, qui évoque un début de déconversion chez les producteurs.
D’une façon générale, le sujet de la rémunération des éleveurs restera l’un des sujets phare de l’année pour la FNPL, notamment dans le cadre des discussions qui commencent autour du pacte d’orientation et d’avenir pour l’agriculture.