« Près de la moitié du phosphore disponible des sols agricoles à l'échelle mondiale est issue des engrais minéraux », selon une étude menée par des chercheurs d'Inrae et de Bordeaux Sciences Agro. Dans leurs résultats publiés sur Nature Geoscience, ils constatent « de fortes disparités entre les régions du monde » et appellent désormais à « une gestion plus juste et durable des ressources ».
« La moitié de la fertilité actuelle en phosphore des sols provient du recours aux engrais minéraux », d'après Inrae et Bordeaux Sciences Agro. (©Pixabay)
« Si les engrais minéraux phosphatés ont contribué à augmenter les rendements agricoles et assurer la sécurité alimentaire de nombreux pays, ils proviennent de roches phosphatées dont les ressources mondiales sont limitées et mal distribuées sur la planète. [...] Le Maroc concentre à lui seul 70 % des ressources, l'Europe en est quasiment dépourvue. »
« Au rythme d’extraction actuelle, les études convergent pour affirmer que le pic d’extraction de ces roches devrait être atteint vers le milieu du 21e siècle. » « De plus, la production de ces engrais présente un fort impact environnemental. »
Une équipe de scientifiques d'Inrae et de Bordeaux Sciences Agro a cherché à « quantifier la fraction du phosphore disponible des sols qui provient de l’application d’engrais minéraux, aussi appelée signature anthropogénique en phosphore des sols ».
#RP_INRAE Le phosphore, un élément indispensable à la croissance des plantes. ??50% du phosphore des sols agricoles du monde est d’origine humaine avec de fortes inégalités entre les continents. Des résultats inédits à voir dans @NatureGeosci.??https://t.co/HZZhboCM60 pic.twitter.com/qBtX2EGMBs
— INRAE (@INRAE_France) January 6, 2023Leur étude suggère que « la moitié de la fertilité actuelle en phosphore des sols est issue des engrais minéraux. Les résultats mettent en évidence de fortes disparités dans la dépendance aux engrais minéraux phosphatés. Les pays d’Europe de l’Ouest et d’Amérique ont vu, par exemple, leurs signatures fortement augmenter dès les années 1950 pour atteindre en 2017 des valeurs supérieures à 60 %. Depuis les années 1970, elles se sont toutefois stabilisées en Europe de l’Ouest, du fait d’une diminution de l’usage des engrais minéraux, partiellement compensée par l’utilisation des effluents d’élevage ».
« Les signatures des pays d’Asie, qui ont augmenté à partir des années 1970, ont aujourd’hui rattrapé celles des pays d’Europe de l’Ouest et continuent de croître à cause d’un recours toujours important aux engrais minéraux phosphatés. L’Amérique du Sud et l’Europe de l’Est présentent en 2017 des signatures plus faibles, de l’ordre de 40 %. Enfin, les pays d’Afrique et d’Océanie montrent des signatures inférieures à 30 %, témoignant d’un recours plus faible aux engrais minéraux au cours de leur développement. »
Signature anthropogénique du phosphore disponible des sols agricoles à l'année 2017. Précision : les pays en gris et gris hachuré ne sont pas considérés par manque de données et par mauvaise performance du modèle, respectivement. (©Inrae et Bordeaux Sciences Agro)
Pour Inrae et Bordeaux Sciences Agro, les résultats obtenus posent question « quant à la capacité des systèmes agricoles à s’affranchir de cette ressource dont l’utilisation n’est pourtant pas durable. L’étude soulève aussi des soucis d’équité de répartition des ressources entre les pays ayant eu recours très tôt à ces engrais comme l'Europe de l'Ouest ou l'Amérique du Nord et ceux qui les utilisent peu comme l'Afrique ».
Les chercheurs souhaitent encourager « une gestion plus équitable des ressources restantes en roches phosphatées pour les diriger vers les régions qui en ont le plus besoin ». Pour les autres pays, « il est désormais nécessaire de protéger et de valoriser la fertilité acquise en limitant l'érosion des sols et en favorisant le recyclage des matières organiques ». Selon les types de sols, « l'absence d'apport n'entraîne pas nécessairement une baisse de rendement. Certaines espèces cultivées, comme le lupin blanc ou le sarrasin, permettent de mobiliser le phosphore fortement lié à la phase solide des sols et ainsi d'augmenter la disponibilité pour les différentes cultures de la rotation ».