Pour bon nombre d'agriculteurs en vente directe, l'heure est au bilan une fois les festivités de Noël passées. Si certains produits qualitatifs continuent de se démarquer (beurre, bûche glacée...) le marché de la transformation à la ferme semble en proie à une très grande hétérogénéité.

Noël et vente directeMalgré l'inflation, certains éleveurs parviennent à faire progresser leur chiffre d'affaires en vente directe. (©Terre-net Media)

En Seinte-et-Marne (77), Emilie Gryspeerdt réalise des glaces à partir du lait produit sur son exploitation depuis maintenant 5 ans. Si son activité de vente à la ferme est toujours en progression, elle note les effets de l'inflation sur le comportement des consommateurs. 

Les clients calculent davantage

« En novembre, mes ventes ont continué de se développer, mais il me manque 10 % pour être dans la tendance de progression de l'année », note l'éleveuse qui aura écoulé 1 200 bûches glacées à l'occasion des fêtes cette année, contre 1 000 en 2021. « On observe bien une progression des ventes, mais le comportement des consommateurs a changé, ils calculent davantage, réfléchissent bien au nombre de portions qu'il leur faut pour ne pas avoir de restes ». Son secret pour progresser malgré la hausse des prix : « proposer un bon rapport qualité/prix ». L'agricultrice commercialise ses bûches 5/6 parts 15 €, et ses gâteaux glacés 10/12 parts 25 €. « Si je les vendais 5 € plus cher, ils ne partiraient pas ».

De grandes disparités selon les bassins de population

Patrick Haudebourt, éleveur bovin à Villers-sur-Auchy dans l'Oise (60), transforme via son atelier de découpe à la ferme environ 25 bovins par an, et écoule sa production en Picardie ainsi qu'en région Parisienne. Présent en dépôt vente dans de nombreux points de vente, ainsi que via les plateformes La ruche qui dit oui, et locavor.fr, l'agriculteur remarque de grandes disparités selon les points de commercialisation. « Selon l'endroit, le panier moyen passe de 30 à 80 € ». Si ses ventes peinent à évoluer auprès des ménages les plus modestes, « dans les zones les plus aisées, on ne voit pas de différences ». Le contenu du panier du consommateur a également évolué. « Le bœuf devient trop cher pour le consommateur, qui lui préfère du porc ou de la volaille », commente l'agriculteur qui a peiné à écouler 2 vaches de réformes sur le mois de décembre, alors qu'il parvient généralement à atteindre ce niveau. 

Retour des grandes tablées après deux Noëls confinés 

L'agriculteur a toutefois réussi à faire progresser son chiffre d'affaires de 35 % durant le mois de décembre (avec une hausse des prix de 10 % en lien avec l'inflation). Il explique la progression des ventes par le retour d'une certaine convivialité, perdue avec le Covid : « après deux Noëls plus ou moins confinés, les restrictions sanitaires apparaissent beaucoup moins grandes cette année, ce qui a favorisé le retour des grandes tablées. Certaines personnes qui avaient quitté Paris ont également fait machine arrière ce qui contribue à alimenter la demande », note l'agriculteur.

Les valeurs sûres se maintiennent

Chez Sylvie Fromont, éleveuse laitière dans le Nord près de Saint-Amand-les-Eaux, seule la vente de beurre, son produit d'appel se maintient : « nous en vendons environ 250 kg par semaine, et s'il se vend si bien, c'est sûrement qu'il est bon ! » sourit l'éleveuse. Pour le reste, l'agricultrice observe une baisse de l'ordre de 30 % de son chiffre d'affaires. « Les gens préfèrent aller au moins cher en grande surface, sauf pour les produits vraiment différenciants ». Les produits de Noël ont été assez peu demandés cette année : « nous avons vendus 5 volailles cette année pour les fêtes, contre un quinzaine l'année dernière. Mêmes les gaufres fourrées que l'on met généralement dans les paniers garnis à Noël se sont assez peu vendues ». 

L'éleveuse nordiste se pose cependant la question de la rentabilité de la vente directe dans un contexte d'augmentation du prix du lait. « À 500 €/ 1 000 l (en incluant les primes qualité), sachant qu'il fait 22 l de lait pour faire du beurre, c'est tout aussi rentable de le vendre à la laiterie. Reste à voir le temps que ça durera... », explique l'agricultrice qui vend son beurre 10,40 €/kg.