Pauline Pradier et Tony Rondeau sont les nouveaux Miss et Mister agri, élus dans la nuit de samedi à dimanche dernier en même temps que Miss France ! Elle est viticultrice depuis huit ans et lui salarié en élevage laitier, en projet d'installation pour avril 2023. Ils nous détaillent leur parcours, comment ils voient leur métier et entendent faire vivre leur titre.

miss et mister agri 2023 sur leur exploitationVous voulez en savoir plus sur Miss et Mister agri 2023 ? Voici leur portrait, en 9 coups de crayon (ou thématiques). (©Pauline Pradier et Tony Rondeau)

Agricultrice/agriculteur : depuis quand cette envie ?

Pauline Pradier, Miss agri 2023 : « Toujours ! Devenir viticultrice et reprendre l'exploitation familiale, dont je représente la 3e génération, était une évidence déjà enfant. »

Une évidence !

Tony Rondeau, Mister agri 2023 : « L'élevage, laitier en particulier, me passionne depuis longtemps. Pourtant, personne dans ma famille n'est du milieu agricole. »

Votre formation pour s'y préparer ?

Pauline : « Après un BTS en viticulture/œnologie, je suis allée en Nouvelle-Zélande et Australie dans une école internationale pour approfondir mes connaissance, notamment en anglais. J'ai ensuite suivi une formation de responsable d'entreprise et passé un an dans un grand domaine viticole suisse. »

Acquérir l'expérience pour s'installer.

Tony : « J'ai fait un bac pro CGEA avec des stages dans plusieurs types d'élevage : bovins lait, allaitants, volailles, porcs. Et j'ai vu que la production laitière me plaisait plus que les autres. Pendant mon BTS Acse, que j'ai effectué en alternance pour développer mes compétences pratiques, j'ai été agent de remplacement, d'abord pour les arrêts maladies puis les week-ends et vacances scolaires. Durant trois ans, j'ai travaillé dans 45  fermes, laitières, porcines, avicoles... J'ai découvert plein de systèmes, bâtiments, équipements, salles de traite et façons de faire. Et pu jauger les + et les - de chacun. La meilleure école pour acquérir l'expérience nécessaire en vue de s'installer en élevage ! Mais auparavant, vu mon attirance pour les vaches laitières, j'ai poursuivi avec un CS lait, en alternance également sur l'exploitation où je suis désormais salarié en CDI depuis trois ans. »

Parlez-nous un peu de votre installation ?

Pauline : « J'ai rejoint mon père il y a 11 ans et je suis installée depuis huit ans. Il a pris sa retraite l'an dernier et a déjà levé le pied de la vigne depuis trois-quatre ans pour me laisser pleinement ma place et créer mes propres cuvées. J'ai vraiment de la chance, il m'a toujours encouragée à prendre sa suite et soutenu mes choix. Nous sommes très proches et menons ensemble chaque réflexion et projet, encore maintenant. Je lui apporte des idées innovantes, et lui son expérience. Comme il me traite à égalité avec les hommes, je suis polyvalente. Je sais tout faire la taille, la vinification, la comptabilité, la commercialisation... »

Bien entourés.

Tony : « Le Gaec où je suis salarié me cède l'atelier lait, suite à un départ en retraite. J'ai pu acheter le site d'exploitation − les bâtiments et une vingtaine d'hectares sous bâti et autour − à un prix intéressant parce qu'en indivision. J'ai repris le cheptel, le matériel et les stocks de l'élevage laitier, car les deux associés restant dans le Gaec se spécialisent dans les cultures. Je préfère exploiter en individuel pour ne pas avoir à reprendre de comptes associés trop importants, et pour être libre de mes décisions mais je prévois d'embaucher un salarié agricole à mi-temps afin de répartir la charge de travail. Mon installation en élevage laitier devrait se concrétiser en avril 2023. Comme au bout de trois ans, je connais bien l'exploitation et que les cédants me connaissent aussi, c'est plus facile. » 

Et de votre exploitation ?

Pauline : « Située à Saint-Nazaire dans le Gard, elle est 100 % viticole avec 60 ha de Côtes-du-Rhône. Je produis 3 000 hl/an de rouge, rosé et blanc, en vendange manuelle et cave particulière avec pour clientèle des particuliers, des cavistes et des restaurateurs dans toute la France et en Belgique. Cette année, avec la sécheresse, j'ai perdu près de 800 hl ! » 

Un projet mûri.

Tony : « L'élevage regroupe actuellement, sur 250 ha à Chauvé en Loire-Atlantique, une centaine de vaches Prim'holstein à la traite pour une référence d'un million de litres et une production de 9 500 l/VL. J'en élèverai 70 pour une référence laitière de 700 000 l, sur une centaine d'hectares, 45 % en maïs ensilage et 55 % en herbe afin de sécuriser la surface fourragère. Par la suite, j'aimerais cultiver 30 à 40 ha de blé, et en broyer une partie pour l'autoconsommation. »

«  Avant, les animaux ne sortaient pas. Moi, je veux les voir pâturer ! On m'a toujours appris que les vaches ont une faucheuse à l'avant et un épandeur à l'arrière ! C'est pourquoi j'ai veillé à ce qu'il y ait une vingtaine d'hectares accessibles à proximité. Je pense m'orienter vers le pâturage tournant dynamique, avec des paddocks d'un hectare pour un à deux jours de mi-mars/début avril à mi-juin puis de début septembre à fin octobre. La zone est séchante alors de mi-juin à fin août, il faudra une ration complète à l'auge en complément. »

« La stabulation en logettes paillées cul-à-cul (120 places) date de 1978 mais est fonctionnelle sur le plan sanitaire, tout en étant un peu basse pour l'accessibilité des machines. D'ici 4-5 ans, quand j'aurai presque remboursé mon installation, je la remplacerai pour réduire l'astreinte. Mais je garderai des logettes paillées pour la propreté des animaux. Pour le moment, la salle de traite est une 2 x 7 postes en épis 45°. À voir, peut-être je m'équiperai d'un robot. »

Votre vision du métier, aujourd'hui et demain ?

Pauline : « Il faut innover, dans l'objectif de mieux valoriser nos produits agricoles, car avec la hausse des charges on ne s'y retrouve pas. Comme je l'ai dit, j'ai créé mes propres cuvées : l'Ameline (contraction d'Amélie, ma sœur, et de mon prénom) en rouge, rosé et blanc et la Victorinne (pour les noms de ma grand-mère et de ma nièce), en rouge et blanc dans des amphores en terre cuite d'Italie. J'ai également dessiné le logo et les étiquettes. De même que l'espace de vente, construit avec mon père il y a trois ans. Par ailleurs, l'exploitation est déjà certifiée HVE 3 et d'ici deux ans, 4 ha de blanc seront convertis en bio. Pourquoi pas aussi conduire quelques parcelles en biodynamie ? Il est aussi crucial d'échanger avec les consommateurs pour les inciter à consommer local. Je les reçois tous les soirs dans ma cave sur rendez-vous. »

Un travail qui soit valorisé.

Tony : « Il me semble essentiel de pouvoir vivre de notre métier d'agriculteur tout en diminuant le travail d'astreinte pour se dégager du temps libre. »

Ces deux/trois mots qui vous définissent ?

Pauline : « Souriante, ambitieuse, exigeante et surtout passionnée ! »

Passionnés !

Tony : « Motivé et, oui, passionné ! »

Vos conseils aux futur(e)s installé(e)s ?

Pauline : « Être passionné car le métier d'agriculteur n'est pas facile tous les jours. Mais quel bonheur de se lever tous les matins avec la même passion ! On ne le vit alors pas comme un travail ! Alors il est indispensable de motiver les jeunes pour pérenniser l'agriculture. »

Motiver les jeunes pour qu'ils se lancent.

Tony : « Ne pas avoir peur de se lancer. C'est le moment, il y a plein d'éleveurs laitiers qui arrivent en âge de transmettre. Sinon des fermes de polyculture-élevage vont disparaître au profit des productions végétales et des bâtiments d'élevage pour stocker les grains. Or, le lait a de l'avenir, d'autant que l'offre se raréfie. Mais soyez vigilants sur le foncier pour être propriétaire du site d'exploitation, c'est-à-dire des terres sous bâti. »

Pourquoi ce concours ?

Pauline : « Je l'ai connu suite à l'élection de Marianna l'an passé. C'est la première fois que je participe, ma candidature a été la première déposée et j'ai été élue, c'est plutôt amusant ! Je voulais communiquer sur le métier de viticultrice et la polyvalence des femmes dans l'agriculture. »

Montrer que les femmes peuvent tout faire.

Tony : « C'est aussi ma première participation. J'étais déjà abonné à la page et suivais le concours. Cet été, je me suis photographié avec Suzette, une génisse que je bichonne parce qu'elle est née prématurée. La photo était sympa, alors je l'ai postée sur Facebook, d'autant que j'ai un projet d'installation agricole pour 2023. »

Quel(le) Miss et Mister agri voulez-vous être ?

Pauline : « Je vais continuer à mettre des stories tous les jours sur mon compte Instagram pour montrer mon travail. Au-delà, je souhaite mettre en avant toutes les filières, peut-être à travers des reportages dans différentes régions. Il faut que les gens se rendent compte du travail et de l'investissement des agriculteurs derrière leurs produits ! Je veux de plus promouvoir l'égalité hommes/femmes dans le monde agricole, qui se féminise de plus en plus avec des agricultrices qui prennent des responsabilités. »

Et qu'on peut réussir à s'installer en agriculture !

Tony : « Je suis content et fier de ce titre. Un moyen de prouver qu'on peut s'installer en lait, même quand on n'est pas milieu. Qu'on peut trouver une ferme prête à nous accueillir, que les cédants sont ravis de voir perdurer. »