Moment de rencontres entre les acteurs du secteur et d'échanges entre la profession et le ministre de l'agriculture, les Rencontres Oléopro se sont tenues à Paris le 30 novembre. Si l'année écoulée a été plus que morose pour les protéagineux, elle a été bonne pour les oléagineux et plus particulièrement pour le colza, qui "reste rentable" malgré la récente baisse de ses cours.

Représentants de la Fop, Terres univia, Terres inovia, AvrilLors des Rencontres Oléopro, les représentants de la filière sont notamment revenus sur le marché du colza (©Terre-net Média)

« Ça été une bonne année pour les oléagineux. Quand ça va, il faut le dire ! », s’est exclamé Arnaud Rousseau, président de la Fop et d’Avril gestion, lors d’une conférence de presse donnée le 30 novembre en marge des Rencontres Oléopro. « Je me réjouis que les productions de colza aient bondi, avec des rendements record. Et l’engagement des producteurs a aussi permis une bonne récolte de tournesol malgré la sécheresse ».

Pour 2023, « les implantations de colza sont dans la mouvance des années passées, et on serait sur un phénomène de hausse en tournesol », note-t-il. Il évoque l’érosion récente des prix du colza, due à une grande quantité de graines récoltées et une capacité de trituration amoindrie en Europe. Pour autant, « la culture reste rentable, d’autant plus que l’azote est concomitamment en baisse. C’est enregistré par les agriculteurs : les emblavements sont là ».

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Quant au tournesol, « on va observer (…). L’incertitude sur l’énergie a mené à des transferts du maïs vers le tournesol et à des choix de charges opérationnelles réduites ».

Mais quid des prix des oléagineux dans les mois à venir ? Jean-Philippe Puig, directeur général du groupe Avril, pointe la volatilité exacerbée de ces derniers mois, « aussi bien pour les matières premières que pour l’énergie… Or, tout est lié ! ».

La demande en huiles pourrait tirer les prix du colza et du tournesol vers le haut : huile de table mais aussi biocarburants. « Il y a le biodiesel en direct mais d’autres produits qui vont arriver sur le marché l’année prochaine et qui ont besoin d’huiles végétales », note-t-il, évoquant notamment l’huile végétale hydrotraitée (HVO). La régulation européenne bannissant l’huile de palme dans les biocarburants, voilà qui pourrait réhausser la demande en huile de colza.

Mais à ce facteur de hausse s’opposent les interrogations quant à une éventuelle récession : « qu’en sera-t-il de l’activité économique de 2023 ? Les États-Unis font face à un ralentissement économique, qui va probablement atteindre l’Europe… Et un ralentissement économique, ça fait baisser la consommation et peut avoir un effet sur les prix ».

Transitions alimentaire, agroécologique, énergétique

Les Rencontres Oléopro, troisièmes du nom, se tenaient donc à Paris le 30 novembre. L’occasion pour les quatre piliers de la filière oléoprotéagineuse – la Fop, l’interprofession Terres univia, l’institut technique Terres inovia et le groupe industriel Avril – de réunir ses acteurs et partenaires et de discuter des atouts de la filière pour répondre aux enjeux de l'époque : souveraineté, transitions alimentaire, agroécologique, énergétique.

[ #AGFop] "Les #biocarburants à base de #colza permettent la production de tourteaux ???? pour l'élevage et ainsi renforcer notre souveraineté alimentaire ET énergétique. Se dire qu'on répond à ces enjeux est valorisant pour nous agriculteurs" @PatrickDarot #OleoPro2022 pic.twitter.com/htUfa0BtV1

— FOP (@FopProducteurs) November 30, 2022

Le @groupe_okwind accompagné par #Sofiprotéol permet aux éleveurs de se protéger des risques liés au prix de l'énergie en autoproduisant avec un trackeur solaire qui pivote comme un tournesol https://t.co/B6NPUoF1nx #OleoPro2022 pic.twitter.com/D6JArJyZg9

— Avril (@Avril) November 30, 2022

??Initiative #Legumineuse aux Rencontres #OleoPro2022 : zoom sur Protei-NA, un réseau régional qui vise à augmenter l’autonomie protéique en Nouvelle-Aquitaine pour l’alimentation animale. Objectif : passer à 35% de cultures riches en protéines d’ici 2030. pic.twitter.com/hRWtCQpDzb

— Terres Univia (@terresunivia) November 30, 2022

Au programme : assemblée générale de la Fop, présentation des actions et projets menés par la filière autour des transitions, puis colloque sur le thème « comment faire converger productivité, écologie et profitabilité ». Et en point d’orgue, les interventions d’Arnaud Rousseau et de Marc Fesneau.

Le président de la Fop est alors revenu sur l’année 2022, montrant combien « le retour de la guerre aux portes de l’Europe » a fait rejaillir l’importance de la souveraineté alimentaire et énergétique, et la contribution de la filière oléopro en la matière. Il cite les biocarburants, « coproduits des protéines, durables et de proximité » et interpelle : « nous avons besoin de votre appui, monsieur le ministre, pour conforter le rôle de la filière dans la décarbonation des mobilités ! »

Plus en amont, s’il se félicite des bons résultats en oléagineux et « fonde l’espoir que la dynamique baissière de ces dernières années en colza puisse être enrayée », la situation devient « critique » pour les protéagineux, qui risquent même d’être « rayés de la carte agricole française ». Pour l’éviter, la filière demande « des actes, grâce à des financements publics/privés pour renforcer la recherche de nouvelles variétés adaptées au contexte pédo-climatique et à la demande qualitative ».

Arnaud Rousseau a aussi insisté sur l’importance du stockage de l’eau « si l’on veut continuer à produire en France », et sur la violente hausse des coûts de l’énergie pour le secteur : « sans plan d’accompagnement digne de ce nom et urgemment déployé, nous allons au-devant de problèmes d’approvisionnement du marché intérieur ».

Il a également plaidé pour une meilleure maîtrise de la production des engrais azotés à l’échelle nationale, pour plus de pragmatisme sur le plan réglementaire, pour l’accès aux nouvelles techniques de sélection variétale, pour de nouvelles discussions sur les clauses miroirs face à la « concurrence déloyale importée », pour un accompagnement à la décarbonation du secteur de l’élevage.

Le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, a clôturé les Rencontres Oléopro 2022Le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, a clôturé les Rencontres Oléopro 2022 (©Terre-net Média)

Azote sur colza à l'automne : Marc Fesneau confiant

En réponse, le ministre a réaffirmé l’importance de la souveraineté – « avoir des interdépendances choisies et non subies » – et de la coopération, et présenté comme l’une de ses priorités le développement des cultures riches en protéines. « Il faut poursuivre les efforts (…) Outre le Plan de relance, le soutien des protéines végétales se fera au travers de la Pac (…) Il y a une dynamique au niveau de l’UE sur le sujet, un plan de développement de la production des protéagineux sera présenté au premier trimestre 2023 ».

Sur le volet de l’eau, Marc Fesneau insiste sur la nécessité de créer des retenues, « une question de souveraineté alimentaire » qui devra passer selon lui par la mise en place d’ouvrages multifonctionnels (irrigation, alimentation en eau potable, protection des forêts…).

« Ma seule obsession désormais est de déployer le Varenne de l’eau. Il faut faire des réserves d’eau pour la stocker. C’est un enjeu de notre souveraineté alimentaire. » @MFesneau aux Rencontres #OleoPro2022 répond à @rousseautrocy pic.twitter.com/fxJUybSZrG

— Hélène Taboury (@lntaboury) November 30, 2022

Concernant la fertilisation azotée, le Plan de résilience en agriculture devrait s’emparer du sujet « à la fois pour relocaliser et décarboner », et le ministre indique « avoir bon espoir qu’on puisse lever le verrou réglementaire permettant l’utilisation de l’azote à l’automne sur le colza ».

« Pour amortir le choc énergétique, on est en train de regarder quelles entreprises des filières agroalimentaires peuvent bénéficier des dispositifs mis en place, on voit qu’il y a des trous dans la raquette, ajoute-t-il. Le but est de donner des réponses rapides et de trouver des amortisseurs ».

Au sujet de la recherche et de l’innovation sur les alternatives aux produits phytosanitaires, Marc Fesneau insiste sur l’importance des « alternatives opérationnelles » (« des alternatives au phosmet pour les semis de colza 2023, et des solutions durables à plus long terme ») et rappelle qu’un plan d’action est en cours, assorti d’une enveloppe de 2,5 M€.

Il a également affirmé son soutien à la filière « pour lever les freins à l’innovation variétale » et a conclu la journée en livrant sa vision de l’agriculture française : « une agriculture conquérante, qui redevienne ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : la première d’Europe et l’une des premières au monde ».

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