Face à l’accélération des transitions, quelles nouvelles compétences sont nécessaires pour permettre aux chefs d’exploitations agricoles de rester maitres de leurs décisions ? Le think tank Agridées s’est penché sur la question et formule plusieurs recommandations pour étendre le champ des compétences, et approfondir la formation et les connaissances, notamment en matière de changement climatique.
Yves Le Morvan a co-rédigé la note "Dynamique agricole : quelles compétences ?" (©Terre-net Média)
L’agriculture doit aujourd’hui faire face à des enjeux de plus en plus divers, tout en accélérant son adaptation au changement climatique et sa contribution à la décarbonation. En parallèle, l’agriculture devient moins familiale, avec une progression du nombre de salariés comparativement à la main d’œuvre familiale, comme l’a montré le dernier recensement agricole de 2020. Les transitions reposent ainsi sur les épaules d’un nombre de plus en plus réduits d’exploitants agricoles, ce qui pose la question des compétences à développer ou à renforcer.
Retrouvez ci-dessous l'interview d'Yves Le Morvan, responsables filières et marchés à Agridées, qui détaille les grandes lignes de la note :
L’entreprise agricole est une entreprise comme une autre, en lien avec le décloisonnement intervenu depuis quelques années vis-à-vis de la société, et une part croissante de nouveaux installés non issus du milieu agricole. « Par contre, l’entreprise agricole nécessite des métiers qui sont assez particuliers : il faut gérer des aléas pas seulement climatiques, mais des aléas sur les marchés, des relations sociétales qui peuvent être particulières, il faut avoir en tête des réflexes transversaux, donc associer de plus en plus des compétences qui, certes, ressortent de la technique agricole, agronomique ou zootechnique, mais qui aussi requièrent des compétences très managériales », explique Yves Le Morvan.
Dans les formations agricoles, les enfants d’agriculteurs sont désormais 11 % au global. « Il faut aller chercher la main d’œuvre plus éloignée en terme de culture, de sensibilité, au monde agricole. Et en même temps il faut que le monde agricole se transforme pour mieux les accueillir car la concurrence d’accès à la main d’œuvre en milieu rural sera de plus en plus forte dans les années à venir », a rappelé de son côté Jean-Marie Marx, du CGAAER, lors de la table-ronde organisée le 23 novembre par Agridées.
"In fine, l’agriculteur reste la personne la plus polyvalente sur l’exploitation", souligne Muriel Mahé, du centre d’études et de prospective du ministère de l’agriculture. Cependant, il doit déléguer certaines tâches, et « pour l’instant, l’agriculture a plutôt délégué les fonctions économique et de gestion. Peut-être qu’elle devrait se la réapproprier et déléguer plutôt des activités qui n’engagent pas la stratégie de l’entreprise », ajoute-t-elle.
Et c'est bien l’objectif des recommandations formulées dans la note. Outre un élargissement des compétences, par exemple au droit social pour faciliter le management, Agridées préconise par ailleurs un meilleur enseignement, plus approfondi et plus généralisé, des aspects scientifiques du dérèglement climatique, un corpus de connaissances qui permettrait aux futurs chefs d’exploitation de répondre au changement climatique « non pas par de simples adaptations ponctuelles, mais de façon systémique », explique Yves Le Morvan. « Notre souhait à Agridées, c’est que les entrepreneurs agricoles soient maitres de leur avenir. Pourquoi le sujet des compétences est clé, c’est pour qu’il y ait toujours un chef d’entreprise qui décide et que son sort ne soit pas décidé par d’autres », conclut-il.