« Les maladies ont fait des dégâts faibles à modérés sur les céréales en 2022, sur les orges comme les blés. » Lors d'une conférence annuelle dédiée, les experts Arvalis ont dressé le bilan de la campagne et présenté les principaux enseignements à retenir.

Rouille jauneLa rouille jaune a été la maladie la plus préjudiciable sur blé tendre en 2022. (©Terre-net Média)

« En moyenne dans les essais d'Arvalis-Institut du végétal et du réseau collaboratif Performance, la protection fongicide a permis de protéger le rendement d’une perte de 11 q/ha sur blé tendre et de 14 q/ha sur orge d’hiver », indique Jérôme Thibierge, ingénieur Arvalis lors du bilan de campagne 2022. Faisons tout de suite un focus sur le blé tendre. 

Une année marquée par la rouille jaune 

La rouille jaune a été, au niveau des maladies du blé tendre, le principal sujet de préoccupation des agriculteurs en 2022. « La douceur hivernale lui a été favorable, et après un épisode brutal de froid début avril, les conditions à partir du 10 avril ont été de nouveau propices au développement de la maladie. Le risque était plus important que l’année dernière mais moins précoce qu’en 2014 », note l'expert.

Pression des maladies du blé tendre en 2022Carte des pressions maladies pour le blé tendre en 2022. (©Arvalis-Institut du végétal)

« 2014 est, en effet, le dernier millésime avec une pression rouille jaune très précoce et très forte. Cependant, les variétés cultivées en 2022 sont nettement moins sensibles qu’en 2014. » L'expert ne relève « pas de contournement majeur par les différentes races de rouille jaune : il y a, tout au plus, quelques ajustements à faire sur les catalogues, mais il n'y a pas lieu de s'alerter ». Des travaux de caractérisation des souches sont aussi en cours. 

Perte de rendement selon le niveau de sensibilité des variétés à la rouille jaunePerte de rendement selon le niveau de sensibilité des variétés à la rouille jaune. (©Arvalis-Institut du végétal)

La septoriose est restée discrète

Du côté de la septoriose, « le niveau d'inoculum estimé par le modèle Septo-Lis était bien moins important que les deux dernières campagnes, surtout sur la façade Atlantique », précise Jérôme Thibierge. Pourquoi ? « Des  contaminations hivernales plutôt faibles en lien avec des précipitations moins élevées que la normale en janvier et février. Et la maladie présente en sortie d’hiver sur les feuilles les plus âgées n’a pas évolué en raison notamment de la sécheresse printanière. »

Dans ce contexte, « le modèle Septo-Lis proposait dans les essais une première intervention autour du stade dernière feuille étalée sur variété moyennement sensible et autour du gonflement-épiaison pour les variétés peu sensibles (note >6). Seuls quelques essais sur variétés sensibles (note Le point sur les résistances :##/li####/ul####p##Selon le réseau Performance, la résistance aux fongicides de la septoriose a toutefois continué d'évoluer cette campagne. Gilles Couleaud dresse le bilan : « on observe une stabilité des souches résistances aux IDM* (appelées  MDR et TriHR). Parmi elles, les souches TriHR représenteraient 61 % de la population (61 % l'année dernière aussi). Les souches résistantes aux SDHI* (dites CarR), quant à elles, représenteraient 30 % de la population, contre 15 % en 2021, 18 % en 2020 et 13 % en 2019. Parallèlement la fréquence moyenne des souches hautement résistantes CarHR progresse pour atteindre 14 % en 2022 (9 % en 2021) ».

Evolution des phénotypes les plus résistants de septoriose dans les échantillons du Réseau Performance depuis 2010Evolution des phénotypes les plus résistants de septoriose dans les échantillons du Réseau Performance depuis 2010. (©Réseau Performance)

Toutefois, « les pertes d'efficacité qui pourraient en résulter ne sont pas pour l'instant perceptibles dans les essais pour une majorité de situations. On observe pour la première fois une baisse d'efficacité pour un SDHI associé au prothioconazole dans deux essais du réseau Performance, avec une fréquence de souches CarHR supérieure ou égale à 20 % dans les témoins. Alors qu'outre-Manche, en particulier en Irlande, l'efficacité est déjà très affectée depuis plusieurs années », rappelle l'expert. 

Autres enseignements du réseau Performance : « les applications de folpel en T1 et en T2 pourraient limiter la progression de la résistance MDR et CarHR, mais une seule application en T2 ne suffit pas pour observer les mêmes effets. Vouloir limiter significativement la progression des résistances en utilisant du folpel supposerait deux applications. Enfin, utiliser un Qii + SDHI au T2 produit le même effet bénéfique, en limitant la protection à une seule application ».

Combiner les leviers, mais lesquels ? 

« L'année 2022 vient prolonger une tendance déjà observée, d'une moindre incidence des maladies. Les pertes liées aux maladies sur la période 2004-2016 sont estimées en moyenne à 18 q/ha contre 12 q/ha sur la période la plus récente (2017-2022). [...] » Pour Arvalis, deux paramètres pourraient expliquer cette évolution : « le changement de paysage variétal et une succession de début de printemps plus secs. Les variétés peu sensibles aux maladies sont davantage présentes dans nos essais ces dernières années, néanmoins dans des proportions qui ne semblent pas pouvoir expliquer totalement la tendance observée. Le climat y est donc aussi pour quelque chose. » Ces changements doivent « être pris en compte pour établir sa protection. Le développement des OAD et les efforts de caractérisation des variétés sont là pour accompagner ce changement ».

Le biocontrôle est également un levier mis en avant pour réduire le recours aux fongicides. Bien sûr, « l'impasse de T1 à 2 nœuds reste la règle sur septoriose ». En situations à risque de développement précoce, l'institut préconise « le recours  aux variétés résistantes (note >= 6,5) pour éviter un traitement. Seules les situations où Septo-Lis indique un développement précoce de septoriose sur des variétés sensibles (note décalage de la date de semis. Si les résultats de 38 essais réalisés entre 2019 et 2022 ont prouvé que « retarder la date de semis contribuait notamment à réduire la pression de la septoriose de 20 %, ils ont également montré que cela exposait à des risques ». On peut, en effet, « devoir retarder plus que désiré la date de semis en raison de la dégradation des conditions de semis. Dans les essais, l'écart moyen entre la date de semis "idéale" et la date de semis "retardée" est de 22 jours. Mais le risque le plus important concerne le potentiel de rendement : - 7 q/ha en moyenne dans les essais avec 22 jours de retard. Cette perte a pu atteindre jusqu'à une vingtaine de quintaux dans les cas les plus défavorables ».

Pour Arvalis, « mieux vaut alors changer de variété que retarder la date de semis. Les variétés peu sensibles sont, en effet, suffisamment nombreuses et caractérisées pour permettre de sélectionner parmi elles des variétés à fort potentiel. Les résultats des quatre années d’essais montrent qu’il est possible de moins traiter en ayant simplement recours à des variétés peu sensibles et productives et sans que le résultat économique de la culture soit pénalisé ». En revanche « lorsque les semis sont retardés par nécessité (pour des raisons liées à la récolte du précédent, pour maîtriser l’enherbement, ou encore atténuer le risque virose), il est possible et souhaitable d’en tenir compte au niveau de la protection fongicide envisagée ». 

Mise à jour sur les solutions disponibles

Les experts Arvalis ont également profité de ce bilan pour faire le point sur les solutions fongicides disponibles. « C'était annoncé mais c'est désormais effectif : les matières actives prochloraze, cyproconazole et mancozèbe ne sont plus utilisables. Selon le calendrier européen, 17 substances doivent également renouveler leur approbation, dont l'expiration est prévue en 2023. Parmi les dossiers qui questionnent : celui du tébuconazole notamment, triazole la plus utilisée. On devrait pouvoir l'utiliser jusqu'en 2024, mais après cela pourrait être plus difficile... », indique Jérôme Thibierge. 

Concernant les nouveautés, les experts soulignent « l'obtention en avril 2022 par De Sangosse de l'autorisation de mise au marché de sa solution de biocontrôle Velours, concentrée de soufre à 700 g/l, pour des usages sur blé contre la septoriose et sur orge contre la rynchosporiose, l'helminthosporiose et la ramulariose. C'est en association avec cette formulation, qu'a été testé Pygmalion dans les essais de l'institut. Sur le même segment, Syngenta attend d'un moment à l'autre l'autorisation de mise au marché d'une formulation prête à l'emploi de phosphonates de potassium 300 g/l + soufre 600 g/l contre la septoriose du blé. Dans les essais Arvalis 2022, SG01 (c'est son code) a obtenu des résultats équivalents à l'association Pygmalion + Velours ».  Les phosphonates de potassium sont bien reconnus comme produit de biocontrôle, mais ne sont pas utilisables en agriculture biologique. 

Aussi, « plusieurs fongicides céréales récents, mais déjà disponibles cette campagne confirment année après année leur bon niveau de performance sur la septoriose : Revystar XL et Zoom deux équilibres distincts de mefentrifluconazole + fluxapyroxade, se sont montrés équivalents. La fenpicoxamide a confirmé son grand intérêt dans des associations avec du prothioconazole à 100 g/ha (Univoq prêt à l’emploi testé à 1 l/ha) ou du benzovindiflupyr 55g/ha (Questar 1,1 l + Elatus Plus 0,55 l/h) ». 

À noter aussi : « la formulation APN04 (pydiflumetofen 62,5 g/l + prothioconazole 75 g/l) confirme des résultats très prometteurs, notamment sur septoriose. Le processus d’évaluation de la nouvelle substance active Adepydin de Syngenta se poursuit au niveau européen. Les premières utilisations sur cultures sont attendues au mieux à l’horizon 2025 ». D'autres fongicides en cours de développement sont également testés sous numéro dans les essais Arvalis. En 2022, l'institut compte 8 produits de synthèse et 7 de biocontrôle pour la lutte contre la septoriose, 6 produits de synthèse contre la rouille brune, ainsi que 4 produits de synthèse et 1 solution de biocontrôle contre les fusarioses.