Après de fortes inquiétudes liées à la guerre en Ukraine, les prix des betteraves sont plutôt au rendez-vous pour la campagne en cours, estime le président de la Confédération générale de la betterave (CGB). Pour 2023, tous les voyants semblent être au vert, en revanche l’incertitude reste forte pour les années suivantes, prévient le syndicat.
Pour Franck Sander, président de la CGB, les voyants sont au vert pour 2023 mais les planteurs auront besoin rapidement de visibilité pour 2024. (©Terre-net Média)
Si la guerre en Ukraine faisait craindre le pire pour la campagne betteravière 2022/2023, entre flambée des prix de l’énergie et plus globalement, une augmentation des coûts de production, « des garanties ont été données et au final, le prix des betteraves annoncé auprès de nos producteurs est plutôt au rendez-vous », salue Franck Sander, président de la CGB, qui a dressé un premier bilan d’étape le 30 novembre. Avec un minimum de 40 € la tonne à 16 % de sucre, quand les prix de l’année dernière étaient aux alentours de 29-30 €/t., il s’agit d’un « bon signal », néanmoins « au vu de la contrainte technique, ce prix devra encore évoluer pour faire en sorte que la betterave reste compétitive avec les autres cultures », précise-t-il.
Les coûts de production ont en effet progressé de 16 % entre 2020 et 2022, avec des prix multipliés par deux pour le carburant, par trois pour les engrais et par six pour le gaz. Et cette hausse devrait se poursuivre en 2023, puisque la CGB anticipe une augmentation de 16 % à nouveau car pour la campagne 2022, les engrais avaient en partie été livrés avant la guerre en Ukraine, ce qui ne sera pas le cas pour la prochaine campagne, où la flambée -voire le manque de disponibilité- des engrais se fera totalement sentir.
En revanche, si les bonnes conditions de semis et de levée laissaient présager une « récolte record », la sécheresse a fortement impacté la production, regrette Franck Sander, avec des rendements qui devraient finir en dessous de 80 t/ha, une « énorme déception », insiste le président de la CGB. Derrière les moyennes se cachent en revanche de forts écarts-types, précise-t-il, puisqu’on peut dépasser 100 t/ha dans certaines fermes et stagner à 60 t/ha dans d’autres. Face au risque de délestage à partir de janvier, la campagne a démarré dès septembre, pour 96 jours contre 118 l’année dernière.
Entre une baisse des surfaces, avec 400 000 ha (-1 % par rapport à l’année précédente) et des rendements bas, la baisse de production est sensible à 32 Mt, contre 34,5 Mt en 2021/2022. La production de sucre est estimée à 3,6 Mt, contre 3,9 pour la précédente campagne, et la production d’alcool et d’éthanol à 8,4 millions d’hectolitres, contre 9 millions en 2021/2022.
A court terme le marché mondial s’avère porteur, après trois campagnes en déficit au niveau mondial, mais en 2022/2023, on s’attend à un surplus, explique Nicolas Rialland, directeur général de la CGB, surplus évalué entre 3 et 7 Mt, sur total 180 Mt, « ce qui est de nature à orienter à la baisse le marché mondial », précise-t-il. A très court terme, la CGB est plutôt confiante. « Je pense qu’en terme de gestion des risques, 2023 est une année à semer de la betterave », estime Franck Sander, même s’il anticipe une baisse des surfaces. La nouvelle Pac devrait introduire peu de changements pour les betteraviers, la réforme de l’assurance récolte « va dans le bon sens » et devrait être plus attractive pour les producteurs, alors que la betterave a fait face à quatre sécheresses au cours des cinq dernières années. En outre, l’instrument de stabilisation du revenu, que la CGB a porté, va être expérimenté en Ile-de-France et dans le Grand-Est en 2023.
D’autres facteurs sont également encourageants, comme les marchés porteurs de l’alcool et du bioéthanol (gel hydroalcoolique, essor du SP95-E10, boom du superéthanol E85), de la pulpe de betteraves pour l’alimentation animale et la méthanisation, et la possibilité que se développent, à terme, les crédits carbone.
En revanche, les planteurs ont besoin de garanties pour les années suivantes, notamment vis-à-vis de la jaunisse, puisque la possibilité d’obtenir une dérogation va s’arrêter après la prochaine campagne. Si le PNRI (programme de recherche consacré à la jaunisse de la betterave) pourrait aboutir sur des alternatives, à court terme les variétés tolérantes n’auront pas un potentiel de rendement suffisant pour assurer la rentabilité de la culture, explique Nicolas Rialland.
En parallèle, le projet de règlement européen sur l’utilisation durable des pesticides inquiète la filière, avec « des objectifs difficilement compréhensibles, et des conséquences très lourdes, sans aucune étude d’impact sur l’économie et l’agriculture », déplore la CGB. Les objectifs sont en effet de réduire de 50 % l’utilisation des produits phytosanitaires d’ici 2030, avec une interdiction totale dans zones vulnérables. Pour la CGB, des solutions sont possibles pour réduire intelligemment l’utilisation des produits phytosanitaires, comme le matériel plus performant, les NBT, « mais il ne faut pas d’interdiction sans solution », rappelle Franck Sander.
Pour le président de la CGB, il est donc indispensable d’apporter dans les six mois à venir « un minimum de visibilité pour que les agriculteurs gardent confiance dans la filière », c’est-à-dire avant l’été prochain, « car c’est avant les semis de colza que tout se joue. L’agriculteur devra avoir suffisamment de garanties pour éviter de perdre trop si la pression jaunisse est forte », insiste-t-il.