A la tête d'un troupeau de vaches allaitantes et de vaches laitières, Elodie et Julien Bahuon ont lancé un "coup de gueule" sur youtube pour pointer du doigt les difficultés rencontrées par les agriculteurs à l'installation. En cause, la déconnexion entre la valorisation des productions issues de l'élevage, et les capitaux nécessaires à la reprise d'exploitation, ou encore le poids des cotisations sociales.

Elodie et Julien Bahuon, Ferme du Saint EloiLa sécheresse et le prix de l'énergie pèsent sur le revenu des éleveurs (©Ferme du Saint Eloi)

« Même avec des ateliers qui fonctionnent techniquement, il est difficile de se tirer un salaire lorsqu’on est encore jeune installé » avertit Julien Bahuon, agriculteur sur la Ferme du Saint-Eloi dans le Morbihan. Avec 50 vaches laitières, et 30 vaches allaitantes, Elodie et Julien Bahuon peinent à se tirer un revenu décent. Leur exploitation n'a pourtant rien d'un mauvais élève, les vaches laitières sont à 7 300 l de lait par an en bio, et les Limousines donnent 1,12 veau par an avec un système reposant sur l'autonomie alimentaire.

Le poids de la reprise

En cause, la conjoncture, avec la baisse du prix du lait bio au premier semestre 2022, valorisé 475 €/1000 l par l'exploitation, et la hausse des charges qui grignote l'embellie du prix de la viande, mais aussi le poids des cotisations sociales et de l’installation. Installé en 2016 et rejoint par son épouse en 2019, Julien Bahuon juge qu'au delà de la faible rémunération des produits de la ferme, les investissements en capitaux en élevage sont déconnectés de la rentabilité réelle de l'activité. 

L’agriculture demande trop d'investissements par rapport au bénéfice qu'elle propose

« Beaucoup de ceux qui sont installés depuis moins de 10 ou 15 ans sont écrasés par leurs annuités de prêt et peinent à avoir des revenus corrects. L’agriculture demande trop d'investissements par rapport au bénéfice qu'elle dégage... ». Locataire de leur exploitation, le couple d’éleveurs a été obligé d’effectuer des emprunts sur une durée inférieure à dix ans. Elodie et Julien Bahuon attendent avec impatience la fin de leurs annuités. « Dans quatre ans, la moitié des prêts sera remboursée, cela représentera environ 2 500 € de charges en moins par mois, on commencera à pouvoir vivre plus sereinement de l’élevage, mais on paiera davantage de MSA », ironise l’éleveur. « Même le banquier nous dit que notre exploitation tournera bien lorsque l’on aura fini de rembourser nos prêts ! ». Cette année, une fois les cotisations sociales payées, le couple d'éleveurs bretons clôturera à l'équilibre. 

« Le système n’est pas juste. Pour s’installer, il faut investir énormément, et dès que le système commence à être rentable, il faut reverser 40 % des bénéfices à la MSA, ou alors continuer à investir pour ne pas se dégager trop de bénéfices. On a l'impression que tout est fait pour que les revenus agricoles restent bas, et que l'on continue à faire vivre commerciaux, techniciens et toutes les professions qui gravitent autour de nous… ». 

Décapitaliser pour générer de la trésorerie

Elodie et Julien Bahuon avaient pourtant bien préparé leur installation, en montant un prévisionnel sur 5 ans.  « Sur le papier tout fonctionne », mais la conjoncture en aura voulu autrement… « Comment prévoir la hausse des charges, et la baisse des cours en bio ? » s’interroge l’éleveur.

En attendant, pour faire face aux problèmes de trésorerie rencontrés en 2022, les éleveurs ont fait le choix d’arrêter le contrôle laitier pendant un an, et de vendre 6 vaches limousines « On a déjà doublé la part de pâturage dans la ration des vaches laitières, mais on ne peut pas toujours optimiser son système. Vu la structure de notre exploitation, on aura du mal à faire mieux alors on cherche les économies là où on peut les trouver ! »