Après avoir renouvelé son bureau, le Modef a présenté le 22 novembre les orientations qu’il souhaite porter pour les prochaines années : installation massive d’agriculteurs sur tout le territoire, garantir des prix rémunérateurs et des conditions de vie favorables, en défendant un modèle agricole différent du modèle dominant. Pour faire entendre sa voix, le syndicat compte organiser des États généraux de l’agriculture familiale.
Pierre Thomas, agriculteur en polyculture-élevage dans l'Allier a été réélu président du Modef. (©Terre-net Média)
Suite à son congrès qui s’est déroulé fin octobre, le Modef – Mouvement des agriculteurs familiaux - a renouvelé son bureau. Le président sortant, Pierre Thomas, est reconduit à la tête du syndicat, Didier Gadea, anciennement membre du bureau, devient secrétaire général, et Raymond Girardi est vice-président. Le 22 novembre, ils ont présenté les orientations qu’ils souhaitent porter en ce nouveau mandat.
Retrouvez en vidéo l'interview de Pierre Thomas, président du Modef, qui explique les orientations du syndicat et les messages qu'il défend :
La priorité, c’est « d’installer massivement des agriculteurs, des jeunes, mais aussi des moins jeunes, il ne faut pas être frileux sur cette question », explique Pierre Thomas. Car la démographie agricole poursuit sa baisse, avec désormais moins de 350 000 agriculteurs, la souveraineté alimentaire française perd du terrain, et la balance commerciale agroalimentaire n’est positive que grâce aux vins et spiritueux, souligne-t-il, poursuivant : « si on continue sur cette voie, dans 10 ans on n’aura plus que 200 000 agriculteurs, et on n’aura plus de quoi nourrir la population ».
Cependant, pour avoir des paysans en nombre suffisant, plusieurs conditions restent aujourd’hui à réunir, les revenus corrects en priorité. « On besoin de prix rémunérateurs, avec des marges qui doivent être contrôlées », explique le président du Modef. Mais ces prix ne seront pas suffisants sans la qualité de vie, et donc aussi des services publics, dont la désertification aujourd’hui ne contribue pas aux installations de jeunes couples en milieu rural, regrette de son côté Didier Gadéa.
Et les installations ne pourront pas non plus être accélérées dans des retraites décentes pour les anciens exploitants, rappelle le secrétaire général du Modef, qui demande au minimum le Smic. L'accès au foncier et la question de sa redistribution constitue également un sujet, ajoute-t-il.
Pour assurer les revenus, « nous voulons des prix planchers garantis par l’État, une orientation qu’on est les seuls à porter aujourd’hui. On ne veut pas que ce soit le marché qui fixe les prix », réaffirme Didier Gadea.
« Les derniers ministres ont essayé de mettre des prix garantis à travers les lois Egalim, Egalim 1 a été un échec, Egalim 2 est plus contraignante, mais tant qu’il n’y aura pas de sanction quand les prix ne respectent pas les coûts de production, les négociations commerciales continueront à fixer les prix », déplore Pierre Thomas, qui prend en exemple les négociations difficiles sur le prix du lait.
Baisse de production, revenus insuffisants, nombre d’agriculteurs en chute libre, un constat s’impose : « il faut changer de modèle agricole », insiste Raymond Girardi, pour qui la situation actuelle de l’agriculture acte l’échec du modèle « productiviste » développé depuis l’après-guerre et basé sur la mécanisation, l'agrandissement et la spécialisation. « Cela fait 60 ans que l’on dit qu’on va dans le mur, aujourd’hui la démonstration est faite », ajoute-t-il.
Et cette position correspond de plus en plus aux attentes sociétales. Pour amplifier l’audience de ce message et rassembler davantage autour de cette vision, le Modef va ainsi organiser des États généraux de l’agriculture familiale avec un objectif : « définir le modèle agricole dont la France a besoin pour demain », résume Raymond Girardi. Ces États généraux ne doivent pas être cantonnés au monde agricole, mais s’étendre au reste de la société, explique Pierre Thomas. Sur la question de l’agriculture familiale, « il y a quasiment consensus », il s’agit donc également de sensibiliser la population. « Seuls, uniquement le monde agricole, on n’y arrivera pas », souligne le président du Modef.
Il s’agit également de faire entendre sa voix, à deux ans et demi des élections aux Chambres d’agriculture, une échéance que le Modef, cinquième syndicat agricole français, a également en tête. Avec entre 3 500 et 4000 adhérents, répartis dans 17 départements, le Modef représente 2 % des agriculteurs sur l’ensemble de la France, mais 7 % dans les départements où il est présent. Et, signe que ses orientations sont de plus en plus dans l’air du temps, les adhérents sont de plus en jeunes, note Pierre Thomas. Si le nombre d’adhérents est plus faible que celui des autres syndicats, il donne aussi un avantage au Modef, celui d’être « plus réactif », notamment en ce qui concerne « la connaissance du terrain », grâce à un lien beaucoup plus direct entre les adhérents et le président, affirment les trois élus, qui veulent croire à un écho grandissant de leur discours depuis quelques années.