Depuis 2005, la politique en faveur des biocarburants a mené à l'essor de la filière bioéthanol aux États-Unis, qui s'est accompagné d'une hausse de l'utilisation de ses coproduits : désormais, les drêches de maïs issues de cette industrie occupent une place de choix dans la ration des vaches laitières. Mais l'avenir de la filière est suspendu aux débats et aux décisions à venir dans le pays sur l'utilisation des voitures électriques.
Un boisseau (25,4 kg) de maïs transformé en bioéthanol après broyage à sec permet de produire 7 kg de drêche sèche de distillerie avec solubles, particulièrement valorisée dans la ration des vaches laitières. (©AdobeStock)
Depuis que la loi américaine incite à la production de biocarburants, l’utilisation des coproduits de cette industrie en fait un « véritable atout » pour l’élevage, notamment ruminant, aux États-Unis. C’était le sens d’une conférence donnée au Space le 15 septembre par Marie-Anne Omnes, spécialiste agricole au département américain de l’agriculture (USDA) et à l’ambassade des États-Unis à Paris.
L’administration Bush a de fait lancé un Energy Policy Act en 2005, suivi par un programme fédéral (le Renewable fuel standard) exigeant que les carburants pour le transport vendus aux États-Unis contiennent un volume minimum de carburants renouvelables.
S’appuyant sur une filière maïs bien implantée et organisée, la production d’éthanol pour les biocarburants a triplé en 15 ans au pays de l’Oncle Sam, pour atteindre entre 15 et 20 milliards de gallons en 2021, « soit 57 à 76 milliards de litres », souligne Marie-Anne Omnes. Et aujourd’hui, 98 % de l’essence vendue aux USA contient 10 % d’éthanol.
Évolution de la production et de la consommation de biocarburants en 40 ans aux USA. (©USDA)
Et pour cause : « on estime que l’utilisation d’un boisseau de maïs pour la production de bioéthanol rajoute 40 % à sa valeur. C’est très lucratif, pour les producteurs de maïs, de se lancer dans la production de bioéthanol et de contribuer à la création de raffineries près de chez eux ».
L’attrait croissant des agriculteurs pour ce débouché, associé à des gains de rendements et à la création de variétés capables de s’acclimater à des zones situées au nord de l’historique Corn belt, a contribué à une forte hausse de la production de maïs aux États-Unis.
Elle approchait 245 Mt en 2005, a dépassé 330 Mt en 2010, et atteignait 360 Mt en moyenne ces cinq dernières années… dont 40 % sont consacrés à la production d’éthanol, 30 % à l’industrie de l’alimentation animale et 30 % à l’export.
Évolution de l'utilisation du maïs US depuis 1975 (©USDA)
Or, un boisseau (25,4 kg) de maïs transformé en bioéthanol après broyage à sec donne aussi 7 kg de « drêche sèche de distillerie avec solubles » (DDGS). Si bien qu’en parallèle, la production de drêches de maïs issue de cette industrie a logiquement grimpé : autour de 7 Mt en 2005, elle a bondi à 35 Mt en 2010 et avoisinerait aujourd’hui les 37 Mt.
37 Mt dont 11 Mt exportés, « vers 69 pays en 2020/21 », précise Marie-Anne Omnes. Le reste est consommé par le bétail US : « une économie circulaire s’est mise en place entre bioéthanol et alimentation animale ».
Production et destination des drêches de maïs issues de la production de bioéthanol aux USA (©USDA)
Utilisées dans l’alimentation des bovins, des porcs et de certaines volailles, voire en aquaculture, « elles sont riches en protéines de céréales et de levures résiduelles, en énergie, en minéraux et en vitamines », rappelle l’experte. Et leurs prix sont compétitifs.
Si bien qu’en termes de consommation de matière sèche, les DDGS sont désormais en première place dans la ration moyenne des vaches laitières étasuniennes, devant le tourteau de canola et le tourteau de soja.
« Elles rencontrent un certain succès, aussi car elles ont l’intérêt d’atténuer le débat fuel versus food (utiliser les cultures pour produire du carburant, ou pour l’alimentation) », analyse Marie-Anne Omnes.
« La production de drêches est très mise en avant aux USA », ajoute-t-elle, avant de comparer : « en France, les co-produits du bioéthanol ne sont pas soutenus par le gouvernement et il n’y a pas de chaîne logistique pour les mettre en avant, les commercialiser, les exporter ». Un paradoxe, « car le bioéthanol se porte très bien en France au vu du prix à la pompe ».
Et demain ? « La durabilité, aux USA, c’est maintenir l’existant et s’adapter (grâce à la technique, NDLR) pour maintenir la profitabilité. Le bioéthanol est une façon d’utiliser une plante déjà installée, ancrée, historique, avec un lobby puissant ».
Un pragmatisme qui semble favorable au maintien des niveaux de production actuels de bioéthanol et du succès des DDGS en élevage. Mais attention : « la production de bioéthanol américain a atteint un plateau et son avenir dépendra des décisions publiques (étatiques, nationales) sur les biocarburants », alerte l’experte.
Pour elle, tout dépendra de la volonté du gouvernement en place de « s’attaquer à la lutte contre le changement climatique » et de mettre l’accent sur les voitures électriques, comme c’est déjà le cas en Californie, ou au contraire de maintenir une vision basée sur l’essence… « Ça va être la guerre entre le lobby de l’électrique et celui du maïs ! ».