Créé il y a près de 40 ans par le monde agricole pour assurer des débouchés à la filière des huiles et protéines végétales, Avril est aujourd’hui un groupe international, présent dans les domaines de l’alimentation humaine, l’alimentation animale, l'énergie et la chimie renouvelable. Une taille et une diversité d’activités qui n’empêchent pas le groupe de rester au service des agriculteurs, rappellent son président Arnaud Rousseau, et son directeur général, Jean-Philippe Puig, rencontrés le 26 octobre.
Arnaud Rousseau, président du groupe Avril (©Terre-net Média)
Construit par la filière oléo-protéagineux française, le groupe Avril est désormais un acteur de poids dans un certain nombre de secteurs, au niveau national comme sur le marché international. Son développement aujourd'hui se concentre autour de quatre axes, explique Jean-Philippe Puig, directeur général du groupe : les spécialités, c'est-à-dire les produits à forte valeur ajoutée ; les produits B to C qui sont les produits de grande consommation (Lesieur, Puget, cosmétiques, protéines…) ; l'énergie renouvelable notamment avec Oléo 100, destiné au flottes captives ; et les produits de biens et de services pour l’agriculture (fertilisation, nutrition animale…).
La taille du groupe et la diversité de ses activités font parfois l’objet de critiques, notamment celle d’alimenter « l’agrobusiness ». Une critique injustifiée pour Arnaud Rousseau, président d’Avril depuis 2017 et agriculteur en Seine-et-Marne.
« Trop longtemps, on a tardé à expliquer le modèle d’Avril, qui possède pourtant une résilience permettant d’accroitre les débouchés. La structuration française permet d’être payé mieux que le marché mondial. Par exemple, on a toujours eu des prix qui ont permis de maintenir la production en colza et tournesol », explique-t-il.
« On est vraiment dans un modèle particulier, il n’y a pas de rémunération du capital. On veut faire croitre l’entreprise et assurer aux producteurs des débouchés », poursuit-il. Ainsi, lorsqu’il y a quelques années, l’huile de palme est venue concurrencer le groupe sur le marché des agrocarburants, Avril a perdu de l’argent en 2017, 2018 et 2019. « Si nous avions été une entreprise classique, on aurait fermé des usines, mais on est là pour servir la terre et on accepte de faire le dos rond, pour continuer à avoir de l’industrie sur le territoire. Ce qui ne serait pas le cas dans le cadre d'un capitalisme débridé ou de l’agrobusiness », insiste Arnaud Rousseau.
Quant à faire gagner de l’argent aux agriculteurs, le président du groupe prend l’exemple d’Oléoze, qui permet de rémunérer les pratiques moins émettrices de gaz à effet de serre (GES). « Quand mon colza valait 450 €/t, j’ai touché 49 €/t supplémentaires », témoigne Arnaud Rousseau. S’il est assez motivant d’expliquer à un agriculteur qu’en modifiant ses pratiques, il peut toucher 10 % de plus sur sa production, il est un peu difficile d’expliquer les variations de cette prime, dépendante du marché du carbone, qui n’est pas un marché liquide, ajoute-t-il. Avant de préciser qu’une « année comme cette année, avec de très bons rendements en colza, on s’attend à des primes conséquentes, pour ceux qui acceptent la démarche administrative, il y a vraiment un plus. On pourrait dépasser les 50 €/t. »
Le marché du carbone constitue un bon exemple de solution gagnant-gagnant pour accélérer la transition à l’œuvre dans le monde agricole. C’est le sens des bilans carbone réalisés sur les exploitations, mais le problème « c’est qu’ils sont toujours un peu déceptifs : ceux qui sont les plus intéressés sont ceux qui sont déjà en avance sur le sujet, et les leviers sont petits, alors que les agriculteurs qui sont les plus susceptibles de faire le jackpot ne s’y intéressent pas », explique Arnaud Rousseau. « Le monde agricole est encore trop timoré » sur la question de la transition estime-t-il, appelant à davantage d’indicateurs et d’objectifs. Néanmoins, l’écologie politique a démotivé beaucoup de bonnes intentions en agriculture, souligne-t-il.
Une démotivation d’autant plus dommageable que le changement climatique constitue l’un des grands défis du monde agricole, à mener en parallèle d’autres chantiers tout aussi importants, explique Arnaud Rousseau, qui est également le premier vice-président de la FNSEA.
Car si la guerre en Ukraine a remis la souveraineté alimentaire au centre des préoccupations, « on a désarmé sur beaucoup de sujets », souligne-t-il, citant notamment la dépendance aux engrais azotés. La compétitivité reste donc plus que jamais un enjeu sur lequel « il y a un manque de prise de conscience », juge-t-il, alors qu’avancer sur ces sujets sera nécessaire pour assurer le renouvellement des générations.